Série « Carto Graphie » - Les étapes de fabrication
Avant-propos
La Série « Carto Graphie » est née pendant la réalisation de mon premier album de bande dessinée, dédié à l'histoire de la cartographie, Geographia (Editions Futuropolis & Bibliothèque Nationale de France).
Après 4 années de travail et de compilation d'informations, j'ai fait un constat : les cartes anciennes, si elles fascinent par leurs aspects esthétiques, restent difficilement compréhensibles. Des formes qui nous déroutent, des repères qui ne sont plus les nôtres, des langues que peu de nous connaissent, ou des manuscrits trop abîmés par le temps et rendus, pour partie, illisibles.
Il m'a alors semblé que l'observation de ces cartes comportait un double risque :
- d'une part, ne les juger qu'à l'aulne de critères contemporains, comme la cohérence du trait de côte ou l'exactitude du placement d'une localité par rapport à une autre. Certaines cartes anciennes nous sembleraient ainsi parfaitement "fausses" ou incohérentes.
- D'autre part, de louper une grande partie des informations présentes sur les manuscrits (dans les textes ou directement sur la carte), faute de savoir lire et comprendre l'arabe, le latin ou le grec.
Face à ces deux difficultés, il y a une (très) bonne nouvelle : des gens brillants ont travaillé sur le sujet, et nous ont offert, a travers leurs publications, une partie de la solution ! Infatigables curieux et curieuses, de nombreux et nombreuses scientifiques se sont intéréssé·es au sujet, et nous ont laissé des transcriptions et traductions de qualité. Le seul problème, c'est qu'elles sont parfois difficiles à trouver, ou à relier au manuscrit original, à défaut d'une représentation graphique.
La série « Carto Graphie » est là pour remédier à ce problème, en intégrant, dans des illustrations contemporaines, des traductions rigoureuses des plus grands chefs-d'œuvre de la cartographie. L'idée ? Donner à voir ces merveilles de connaissances dans un format accessible à tou·tes, où chacun·e pourra se perdre et s'interroger sur l'histoire du monde.

Étape n°1
À LA SOURCE
A la manière d'un enquêteur, ma première préoccupation, c'est de trouver une traduction fiable : si certaines traductions sont disponibles en ligne, beaucoup sont fantaisistes et d'autres sont contradictoires, ce qui est, ne nous le cachons pas, un brin problématique. Après de longues recherches, je finis donc par identifier deux sources différentes : d'abord, une traduction (dans un livre, un rapport ou article scientifique), et ensuite, un·e spécialiste, qui saura confirmer que la traduction est toujours jugée par la communauté scientifique comme valable, et qui saura, au besoin, m'indiquer les derniers ajustements issus de travaux de recherche.

Etape n°2
DESSINER L'ALTIMÉTRIE
Aboutir à un résultat satisfaisant en matière de rendu graphique a nécessité d'importantes recherches. Mon dévolu s'est finalement jeté sur un traitement altimétrique, donnant aux cartes un effet de volume et un rendu contemporain. Le travail démarre donc ainsi : découper, trait par trait, chaque côte, chaque île, chaque détroit. Une altimétrie réalisée entièrement à la main, et qui demande souvent plusieurs journées de travail (puisqu'il faut, entre autres, vérifier, sur chaque manuscrit, que ce qui me semble être une montagne ou un lac, est bien une montagne ou un lac dans le texte : sur certaines cartes, la nature des objets dessinés est tout à fait déroutante, et la carte n'est pas toujours exactement cohérente avec texte du manuscrit. Donc, c'est très long !
Seule entorse faite aux manuscrits originaux, j'ajoute à chaque carte une topographie sous-marine imaginaire, lui donnant ainsi beaucoup de profondeur.

Étape n°3
DESSINER LES OBJETS
Ce n'est pas le cas de toutes, mais beaucoup de cartes comportent des objets : certains dessins, des créatures, des pictogrammes, des villes, des chateaux, des phares, etc. Ces éléments sont redessinés avec beaucoup de précision, les cartes illustrées devant rester fidèles aux manuscrits originaux.

Étape n°4
LA MISE EN COULEUR (1/2)
Étape cruciale, la mise en couleur révèle les formes, les objets, les espaces habités et les océans. L'étude approfondie de manuscrits très anciens me force d'ailleurs à une grande modestie : certains manuscrits, parfois de très petite taille, sont d'une clarté absolument époustouflante !
Je démarre toujours par une mise en couleur simple : on distribue d'abord les grandes masses, avec des teintes pas toujours très harmonieuses, mais très différenciées.

Étape n°5
LA MISE EN COULEUR (2/2)
Aussi longue que la première, la deuxième étape de la mise en couleur est une couleur du détail : un peu partout, j'applique des nuances, je vérifie les rapports, l'homogénéité globale, en trouvant un équilibre entre des couleurs bien différenciées, souples et harmonieuses. C'est une étape délicate, où la couleur doit permettre de mettre en valeur des informations sans en obscurcir d'autres. Et c'est aussi l'occasion d'apporter de premiers effets de texture et d'environnement.

Étape n°6
DÉTAILS ET AUTRES SUBTILITÉS
Une carte illustrée, ce doit être une carte illustrée ! Ombres (qui ajoutent de la profondeur), herbes folles, fleurs, roches, chemins, arbres, animaux, de nombreux détails sont ajoutés à cette étape : ce sont des détails volontairement insignifiants : il ne doit pas y avoir de confusion entre ce qui relève du manuscrit original, et ce qui n'est que pure fantaisie. Ne reste plus qu'à passer à l'étape la plus longue de toutes (eh si !) : la mise en texte.

Étape n°7
LA MISE EN TEXTE(S)
Il s'agit de reporter l'ensemble des traductions sur la carte contemporaine. Et cette étape est loin d'être une formalité !
D'abord, c'est souvent l'occasion de noter des incohérences, des bizarreries ou des étrangetés dans le texte, qui sont autant d'occasions de comprendre de nouveaux aspects, que de faire des choix en matière de traduction : doit-on donner l'ancien nom d'une région ? Son nom actuel ? Et si son ancien nom correspond aujourd'hui à une autre région ?
Ensuite, et surtout, je réalise l'ensemble des textes A LA MAIN. Pas de typographie informatique, toutes les lettres sont formées une par une, à la manière d'un copiste ! Pour exemple, le Beatus de Saint-Sever contient plusieurs centaines de toponymes, et plusieurs dizaines de commentaires. La mappemonde m'aura demandé, en tout, 125 heures de travail.

Étape n°8
L'IMPRESSION ET L’EXPÉDITION
Une fois terminé, le fichier est envoyé à l'imprimerie KYODAI, à Caen, ou je me rends pour faire plusieurs essais en compagnie de Pierre, l'imprimeur. Une fois les réglages mis en place, le papier et les dimensions choisis, les tirages n'attendent plus que d'arriver chez vous !
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